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Frédéric Beaumont

Frédéric Beaumont

Chargé de mission Enseignement supérieur et Recherche

47 ans
Paris (75012) France
En poste En recherche active
Engagé depuis 5 ans dans l’appui administratif à la recherche et spécialisé dans le domaine de la réussite professionnelle des jeunes chercheurs, j’ai développé, depuis 2012, des compétences avérées en communication notamment dans le cadre de l’organisation d’évènements internationaux tels que le concours « Ma thèse en 180 secondes » et de colloques nationaux dédiés à l’insertion professionnelle des Docteurs.
CV réalisé sur DoYouBuzz
Bucovine, "le pays des hêtres" bukovine.blogspot.com
Elisée reclus et la Bucovine
24 janv. 2011

Voici un extrait et un lien vers un blog qui présente un extrait de la Géographie universelle d'Elisée Reclus. Les illustrations, la carte des nationalités notamment, sont remarquables. Le passage qui suit évoque magnifiquement la diversité qui caractérisait cette province de l'Empire austro-hongrois.

"En Bukovine, comme en Galicie, la population prépondérante est celle des Ruthènes; mais elle ne l'emporte que faiblement sur les Roumains. Il y a un siècle, lorsque la Bukovine appartenait encore à la Moldavie, la ma­jorité des habitants, qui depuis cette époque ont plus que septuplé, était de langue roumaine; même ceux dont l'origine était slave se confondaient graduellement avec les Moldaves; mais le changement du régime politique a eu pour conséquence de repousser peu à peu l'élément latin vers le midi et de donner aux Slaves la supériorité du nombre. Les Roumains, partout ailleurs si envahissants, ont dû céder en Bukovine sous la pression des po­pulations Ruthènes. D'ailleurs cette contrée, si peu étendue qu'elle soit, n'en est pas moins une des régions de l'Europe où les représentants du plus grand nombre de races se rencontrent en groupes entremêlés. Dix nations diverses se partagent ces vallées supérieures du Pruth et du Sereth [Syrit]. Des co­lonies de Polonais ont immigré dans le pays à la suite des Ruthènes; des Székely magyars [Sicules, minorité hongroise de Roumanie] n'ont eu qu'à traverser les Carpates pour s'établir çà et là dans les campagnes qui se trouvaient à leur convenance; des Tchèques ont été amenés comme mineurs en Bukovine et s'y sont fixés d'une manière permanente; des Allemands, en grand nombre, ont fondé des villages agri­coles ou miniers, surtout du temps de Joseph II [fin du XVIIIe siècle]. Quelques milliers de Russes, appartenant à la secte des Lipovans ou Filipones, ont dû se réfugier dans le pays pour obéir à leur foi [Russes Vieux-Croyants]. De même des Arméniens, venus dès le onzième siècle, et renforcés plus tard par de nombreux coreligionnaires, se sont groupés en communautés prospères à Czernowitz, à Suczawa [Suceava, aujourd'hui en Roumanie] et dans plusieurs autres villes. À ces diverses populations de la Bukovine, il faut encore ajouter l'inévitable Juif, intermédiaire nécessaire du commerce dans tout l'Orient slave, et le Tsigane errant, qui dresse sa tente dans la clairière de la forêt. En Bukovine on ne pratique pas moins de huit cultes différents; mais la religion dominante est la religion grecque, celle de presque tout l'Orient slave, Czernowitz [Tchernivtsi] est le siège du patriarche placé à la tête de toute l'Église grecque de l'Austro-Hongrie."


http://pan-doktor-exrudis-vseznayko.over-blog.com/article-elisee-reclus-galicie-et-bukovine---la-pologne-et-la-ruthenie-autrichiennes-nouvelle-geographie-universelle-1880-53228533.html
03 juin 2010
Je viens de découvrir un article de C. Gillard sur la Bucovine publié en 1925 dans les annales de Géographie dont je m'empresse de vous donner le lien. Il y aurait beaucoup de choses à dire notamment sur l'analyse par l'auteur du peuplement ethnique de la région (les non-Roumains étant qualifiés d'étrangers, y compris les populations qui étaient présentes en Bucovine bien avant l'annexion de cette région de la Moldavie historique par l'Autriche). L'article est très marqué par les travaux de deux auteurs, un géographe : Emmanuel de Martonne (qui participera en 1919 aux travaux des commissions qui détermineront le tracé de la frontière roumano-hongroise) et un Historien : Nicolae Iorga (auteur en 1937 d'une histoire des Roumains et de la romanité orientales en 4 tomes rédigée en français sur commande du roi de Roumanie et traduite plus tard en roumain qui est encore un ouvrage de référence pour qui s'intéresse à l'Histoire de la Roumanie).

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1925_num_34_189_8238

Les Ruthènes en Bucovine
29 mai 2010

Les Ruthènes sont considérés par la plupart des sources anglo-saxonnes comme formant un groupe ethnique à part entière, appartenant à la grande famille des Slaves orientaux (appelés aussi « Russiens », parfois « Russes ») au même titre que les Russes (Grands-Russes), Ukrainiens (Petits-Russes ou « Malo-Russes »), Biélorusses (Blancs-Russes). Toutefois, les différences linguistiques, culturelles voire « ethnographiques » entre Ruthènes et Ukrainiens sont peu importantes et il convient de relativiser l’empressement de certains chercheurs nord-américains à vouloir faire des Ruthènes un nouveau groupe de la famille des Slaves orientaux. Lors du recensement de 2001 en Ukraine, les autorités ukrainiennes ont utilisé pour la première fois l’expression « groupes ethnographiques de la nation ukrainienne » pour qualifier Ruthènes, Hutsules et autres Ukrainiens carpatiques. Il s’agit d’une reconnaissance officielle d’une spécificité culturelle et linguistique de ces populations sans pour autant reconnaître l’une des revendication principale des autonomistes ruthènes de l’oblast' de Transcarpathie (région située au sud oust de l'Ukraine accolée aux Carpates ), c’est à dire le fait que les Ruthènes constitueraient une nationalité à part entière et qu’à ce titre les populations ruthènes devraient bénéficier des droits garantis par la constitution ukrainienne à tout groupe ethnique minoritaire. Les revendications politiques des autonomistes ruthènes de Transcarpathie n’ont jamais rencontré un très grand succès chez les populations ruthènes de Bucovine chez qui le terme ruthène ne constitue guère plus qu’un archaïsme synonyme d’Ukrainien dans la langue courante. Toutefois, depuis 2002 les Ruthènes sont reconnus comme minorité nationale au même titre que les Ukrainiens et possèdent comme eux un siège au parlement roumain. L’influence des mouvements autonomistes ruthènes d’Ukraine et de Slovaquie se fait donc de plus en plus sentir au sein des populations ukrainiennes de Roumanie mais reste un phénomène très minoritaire ( 61 091 Ukrainiens recensés contre 262 Ruthènes). Le nombre d’Ukrainiens est de manière générale largement sous-estimé dans les recensements roumains : si officiellement il n’y aurait que 8 506 Ukrainiens et 19 « Ruthènes » en Bucovine du Sud en 2002, on évalue leur nombre réel autour de 50 000 individus dont 66 % sont Ruthènes et 44% restant sont Hutsules.
Courte histoire de la Bucovine (1774-1941)
27 mai 2010

On a coutume de faire débuter l’histoire de la Bucovine avec l’attribution à l’Empire d’Autriche d’un « coin de terre », selon l’expression de l’Empereur Joseph II, entre la Galicie, arrachée à la Pologne en 1772 et la Transylvanie, par le Traité de Koutchouk-Kainardji (1774).
Le contexte politique du rattachement de ce petit territoire de 10 440 km², au passé glorieux (il constitua le cœur politique et économique de l’État moldave entre le XIV° et le XVI° siècle) est assez mouvementé.

Les Autrichiens pour obtenir ce territoire qui devait donner un aspect linéaire à leur nouvelle frontière orientale firent pression sur les Russes, alors en guerre contre les Turcs, leur proposant un marché qui avait tout du chantage.
Les Autrichiens signaient un accord d’assistance militaire avec les Ottomans qui leur cédaient la Bucovine, et, en échange de sa non-application, les Russes devaient évacuer la zone… Un coup de bluff magistral qui fut payant puisque les Russes mis en difficulté au niveau intérieur par la révolte d’Emilian Pougatchëv, cédèrent sans broncher alors qu’ils occupaient la presque totalité de la Moldavie et s’étaient déjà empressés d’installer une administration ayant prêté serment de fidélité à l’Impératrice Catherine II (ce qui laissait présager que Saint-Pétersbourg était bien décidé à annexer la principauté moldave).

La période de la domination autrichienne favorisa grandement l’activité économique.
La province bénéficiant d’une position de carrefour entre les Empires autrichien, russe, et ottoman, par le biais de son vassal moldave, connut une prospérité soudaine, qui fut aussi le fait d’une intense politique coloniale (arrivée de mineurs allemands de Bohême et de Zips pour exploiter les mines de manganèse, d’artisans polonais et juifs originaires de Galicie, et de paysans ruthènes fuyant à la fois le service militaire et les impôts qui les accablaient en Galicie voisine).

A la fin du XIX° siècle et jusqu’en 1940 la Bucovine connut le développement d’une haute civilisation urbaine dans sa capitale Czernowitz ( Cernauti en roumain, Tchernivtsi en ukrainien).
C’est dans cette ville, modèle de cohabitation ethnique, creuset culturel dans lequel devait naître un homme nouveau, l’autrichien de langue allemande, indifféremment de ses origines ethniques.
Parmi les plus grands auteurs que la « civilisation de Czernowitz » ait produit on peut citer les poètes juifs de langue allemande Paul Celan (l’auteur mondialement connu de Todesfuge) et Rose Ausländer, « l’autrichien » d’origine sicilo-greco-roumano-allemande, pur produit de la Bucovine, Gregor Von Rezzori, le juif germanophone de Galicie Karl Emil Franzos profondément amoureux de sa ville d’adoption, Czernowitz, et qui s’efforcera toute sa vie durant de dénoncer le caractère rétrograde de certaines traditions des juifs Hassidim encourageant ses coreligionnaires à se fondre dans le moule autrichien, seul moyen, selon lui, de survivre dans une société de plus en plus antisémite (le Shylock de Barnow), mais aussi Aharon Appelfeld auteur israélien écrivant en Hébreux des récits inspirés de sa propre histoire en Bucovine, où il est né, et où il dut se cacher après qu’évadé d’un camp de concentration roumain à l’âge de 7 ans, il ait survécu jusqu’à la fin de la guerre en vivant caché parmi les paysans ruthènes. De son expérience dramatique, de la déportation, du massacre de sa famille, naîtront plusieurs livres dont Katerina, qui montre les rapports complexes qui pouvaient exister entre les communautés ethniques.

Car, l’Histoire de la Bucovine se termine bien mal. En 1940, l’Union soviétique suite à un ultimatum adressé à la Roumanie envahit la province qui avait été cédée à celle-ci en 1918. L’armée soviétique occupe le nord, majoritairement ukrainien (Ruthènes et Hutsules), tandis que l’administration roumaine doit évacuer cette partie de la province en deux jours. C’est à ce moment que le III° Reich décide d’organiser le départ de près de 95 000 germanophones (Allemands et couples mixtes) pour les réinstaller sur les nouveaux territoires pris à la Pologne (région de la Warthe notamment). La Hongrie, qui en a profité pour demander et obtenir la Transylvanie du Nord évacue elle-même 11 000 Hongrois de Bucovine. Quelques mois plus tard (juin 1941) la Roumanie déclare la guerre à l’URSS aux côtés de l’Allemagne nazie, le 15 juillet la Wermacht rentre dans Czernowitz et massacre le jour même près de 2 000 Juifs. Par la suite la population sera déportée en Transnistrie où les 2/3 des déportés trouveront la mort. Le paysage ethnique actuel de la Bucovine est le résultat de ces terribles années 1940—1941, véritable tournant historique qui enterra la mythique « perle de l’Empire », symbole de la multiculturalité, mais qui en fera un lieu de mémoire où essaient de vivre désormais en bonne intelligence, tant bien que mal, les communautés rescapées de la seconde guerre mondiale jadis ennemis, bourreaux ou victimes tentant de redonner du souffle au mythe bucovinien de cohabitation interethnique...
Introduction ...
27 mai 2010

Jusqu'en 1940, ce qui constitue aujourd’hui le département de Suceava faisait partie de ce que l'on appelait la Bucovine. La Bucovine était l'une des régions historiques roumaines. Invention de l'occupant Autrichien après son annexion en 1775 au domaine Habsbourg, « la perle de l'Empire », le Duché autonome de « Bukowina » connu aussi sous le nom de « Buchenland » (« le pays des hêtres ») développa une incroyable diversité ethnique liée à un développement économique qui ne s’interrompit qu’en 1914 avec le déclenchement de la Première Guerre Mondiale.

Roumains, Ukrainiens (les locuteurs des dialectes hutsule et ruthène), Juifs, Allemands, Polonais, Russes-Lipovènes, Tsiganes, Hongrois, Arméniens se côtoyaient ainsi dans les villes et villages de Bucovine au moment de son rattachement au royaume de Roumanie en 1918.
De la situation de carrefour des cultures et des influences centre-européennes, balkaniques et est-européennes, dans un contexte de mixité des populations, une civilisation originale a pu se développer dans ce petit territoire, civilisation qui connu son âge d’or dans l’Entre-deux-guerres alors même que, paradoxalement, chaque communauté s’était progressivement repliée sur elle-même dans un contexte de tensions ethniques et de crises politiques internationales.
Si le drame de la Seconde Guerre Mondiale a grandement modifié le paysage ethnique de ce territoire, la Bucovine constitue toujours un espace de rencontre des cultures et des peuples de la région, un exemple frappant de ce que fut le rêve habsbourgeois de fusion des peuples, de son échec et de ses réussites.

Au travers de ces quelques posts vous découvrirez la Bucovine et son « esprit », esprit que Gregor Von Rezzori enfant de la région définit comme "bouillonnant de vie, plein d'impudence cynique et de scepticisme mélancolique", le résultat d’un intense brassage ethnique et culturel, d'une position unique de carrefour entre mondes germanique, russe et roumain.